L’exposition que vous allez découvrir trouve son origine dans la volonté du CPAS de Namur de marquer le coup à l’occasion du 40ème anniversaire de la création des CPAS.
La création de cette institution et, un an avant, le vote de la loi sur le minimum de moyens d’existence (minimex, aujourd’hui revenu d’intégration) ont, à l’époque, été admirés dans toute l’Europe. La Belgique était alors à l’avant-garde des politiques sociales.
Il est incontestable que ces deux réformes ont apporté deux avancées majeures :
1. L’obligation (de moyens en tout cas) imposée à chaque CPAS d’assurer à tous une vie conforme à la dignité humaine.
2. Le "secours mensuel", au montant variable d’une commune à l’autre, dont les critères d’octroi dépendaient des choix des mandataires locaux, est remplacé par un droit à un revenu reconnu à tous, identique sur tout le territoire.
Ces avancées majeures ne doivent pas, pour autant, occulter quelques questions essentielles, explicitées, directement ou en filigrane, par les textes et documents des panneaux.
Chacun ses pauvres ? La communalisation de la lutte contre l’indigence, la pauvreté aujourd’hui, constante de l’action sociale depuis très longtemps, n’est pas sans entraîner des conséquences inquiétantes : traitement inégal d’une commune à l’autre, conflits de compétences, charge budgétaire d’autant plus lourde que la commune est pauvre, report sur le niveau communal de responsabilités qui sont en principe celles d’autres niveaux de pouvoir.
Faire travailler (activer dit-on aujourd’hui) les pauvres ? Cette question est intemporelle. Mais les réalités des pauvres ne s’accommodent pas toujours des visées et représentations des bien-pensants ou des "activateurs".
Comment éviter toute forme de stigmatisation ? Des images ont la vie dure et traversent les époques. L’expression « inadaptés sociaux » est utilisée à la fois en 1925 dans le Rapport sur l'état des institutions de bienfaisance du Royaume et en 2008 par la Présidente du CPAS d’Anvers. Oserait-on affirmer que la distinction entre les bons et les mauvais pauvres ne traîne plus dans nos esprits ?
Comment faire travailler ensemble l’action publique et les initiatives associatives ? Les réponses ont varié dans le temps, se calquant, en partie, sur les débats philosophiques et politiques qui ont construit et émaillé l’histoire politique et sociale de nos contrées. Aujourd’hui, l’heure est le plus souvent à la collaboration pleine et entière même si, d’ici de là, de vieux réflexes de méfiance ou de récupération subsistent.
Comment (ré)intégrer les assistés dans la sécurité sociale ? La mise en « ordre de mutuelle » (qui se pratique depuis longtemps) et la mise à l’emploi via les dispositifs dits Article 60 et Article 61 y contribuent. Mais cette (ré)intégration est-elle durable ?
L’exposition ne donne pas toutes les réponses. Et c’est normal, tant est grande la diversité des pensées, à la fois sur le diagnostic et sur les remèdes. Elle est là pour aider à réfléchir, parce qu’au rythme des changements et évolutions, on peut parfois désespérer de la (réelle) volonté d’éradiquer la pauvreté.
Philippe Defeyt