Pauvres de nous

Actions sociales à Namur hier et aujourd’hui

Comme tout lieu de vie en communauté, l’institution de bienfaisance édicte des règles dont le non-respect entraine une série de sanctions plus ou moins sévères. L’hospice d’Harscamp qui, dès le XIXe siècle, accueille à Namur des personnes âgées s’inscrit dans cette tendance. Son règlement d’ordre intérieur fixe l’horaire des repas, des retraites en chambre, des sorties autorisées (entre 9 heures et 18 heures, en hiver ; entre 8 heures et 19 heures 30, en été), impose une hygiène personnelle, interdit de fumer, de proférer des injures, de pénétrer dans le quartier du sexe opposé et de désobéir au directeur de l’établissement. En cas d’inconduite, le pensionnaire concerné est passible de privations, d’exclusion de plusieurs jours ou du renvoi définitif de l’institution.

Au même titre que les sanctions, la mise au travail des pensionnaires constitue un moyen de moraliser le comportement des pensionnaires d’Harscamp. Ceux-ci sont encouragés à balayer et à nettoyer leur propre chambre ou à réaliser des travaux de couture.

L’analyse statistique des rapports disciplinaires (conservés pour les années 1863-1864 et 1870-1873) tend à montrer que les sanctions sont essentiellement appliquées à l’égard d’une minorité de pensionnaires (punis à de nombreuses reprises) : en général, il s’agit d’hommes arrivés depuis peu au sein de l’hospice. Dans plus de la moitié des cas, ces vieillards sont punis pour cause d’ivresse et de rentrée tardive et sont privés de sortie pendant plusieurs jours. C’est que l’alcoolisme est alors considéré à la fois comme un danger pour l’ordre social et comme une grave faute morale souvent associée à la dépravation présumée des classes populaires. De telles sanctions visent donc à corriger le comportement de certains pensionnaires, à dissuader le reste de la population d’adopter les mêmes attitudes et à préserver l’image et le prestige de l’hospice.

Face à ces mesures disciplinaires, les pensionnaires d’Harscamp disposent d’un certain droit de protestation (qui n’est d’application dans aucun autre hospice namurois). Ainsi, le 11 décembre 1873, le pensionnaire Evrand se défend d’avoir fumé dans l’établissement : il n’aurait fait que remonter dans sa chambre, la pipe éteinte en bouche. Cinquante ans plus tôt, le pensionnaire Spinetto réagit longuement à la menace d’exclusion à son égard. Dans un livret de 80 pages adressé au bourgmestre, au gouverneur et au roi, il récuse les accusations d’alcoolisme et de vol et se dit même victime de persécutions et d’humiliations diverses.